Les Brodeuses de l’Histoire" éd. Coop Breizh, 2006.

Guillaume Lenoir, professeur d’histoire et critique littéraire à « Unité normande » a écrit ceci, que les auteures ont reçu avec grande liesse :

« Voilà un roman historique tout à fait singulier : le scénario est particulièrement original. L’intrigue se déroule lors de la réalisation de La Telle du Conquest, dans un monastère anglais, parmi le peuple des brodeuses et brodeurs, venus de Normandie, de Bretagne et d’Angleterre, comme ce fut certainement le cas. C’est un récit à plusieurs mains qui permet ainsi de mieux comprendre les réactions des différents peuples placés sous la férule du Conquérant : Normands avantageux, Saxons pleins de rancœurs, Bretonnes laborieuses qui ont fui l’Armorique où elles crevaient de faim, attirées par le mirage de la splendeur du Duc-Roi. C’est l’histoire, perçue par de petites gens qui participent à la réalisation d’un chef-d’œuvre qui, neuf siècles plus tard, nous fascine toujours.

Pourquoi cette broderie, véritable bande dessinée qui raconte l’extraordinaire aventure de la conquête de l’Angleterre par les Normands? Ouvrage de propagande, certes. Mais réalisation pleine de sous-entendus, qui intrigue encore aujourd’hui: indiscutablement, l’inspiration était normande (l’évêque Odon de Bayeux, demi-frère du Duc-Roi, était le commanditaire), mais, parmi les brodeurs et brodeuses et aussi parmi ceux qui préparaient les scènes à représenter, il y avait des Saxons, des Anglo-Danois qui s’attachèrent à montrer que les vaincus d’Hastings étaient dignes des vainqueurs de la plaine de Senlac.

Les auteurs de cette aventure ont su respecter cette dualité d’inspiration : ils en donnent une explication plausible et nourrissent ainsi une intrigue qui confère du poids à ce roman historique. L’ouvrage, bien présenté, est précédé de larges extraits en couleurs de la célèbre broderie. Cela permet de suivre l’avancement du travail des brodeuses et de mieux comprendre les intentions des auteurs des cartons et esquisses représentant les scènes de La Telle du Conquest. Les remarques sur le choix des couleurs, sur les attitudes des protagonistes, sur les scènes étranges ou ludiques des bordures montrent de la part des auteurs de ce livre un vrai savoir sur les mentalités de l’époque et la façon de les représenter.

La Broderie de Bayeux est un trésor inestimable, d’une richesse documentaire incomparable: tout le haut Moyen Age s’y trouve consigné et l’on s’aperçoit vite que cette période, trop longtemps considérée comme brutale et fruste, recélait des connaissances issues de l’Antiquité gréco-latine. Ce n’était pas une période de rupture, mais de continuité.

Denise Morel et Marie France Le Clainche ont su le montrer avec talent et leur érudition n’est pas pesante: c’est par petites touches, au gré de l’intrigue, que l’on découvre les connaissances et les préoccupations des contemporains de la Conquête. Du grand art. A la hauteur de l’héroïne principale de cet excellent roman historique; la Telle du Conquest, dite Tapisserie de la reine Mathilde, ou encore Broderie de Bayeux. Une invitation à la voir une nouvelle fois: on ne s’en lasse pas. ’