L’histoire des aiguilles

Les premières aiguilles étaient faites des épines de certains arbustes ou d’arêtes de poissons. Dans les temps préhistoriques on trouve des aiguilles d’os ou d’ivoire. Pline l’Ancien mentionne l’existence d’aiguilles de laiton et de bronze au début de notre ère.

La Chine connaissait les aiguilles d’acier, mais il est certain que l’Espagne est le premier pays européen à avoir su les fabriquer. Les Espagnols furent les principaux fournisseurs jusqu’au milieu du XVIIe siècle et les exportèrent dans toute l’Europe et jusqu’au Proche Orient. Puis un Anglais découvrit le procédé et fonda une manufacture.

A la fin du XVIIIe siècle on utilisait en France des aiguilles importées d’Allemagne. Les armées révolutionnaires ayant envahi le pays on fit venir en France des ouvriers allemands qui apportèrent leur savoir-faire et une fabrique fut fondée. Mais la réussite fut médiocre et la fabrique n’eut qu’une brève existence. Au cours du XIXe siècle la mécanisation des diverses étapes de la fabrication progressa, si bien que vers 1870 elle était totale.

C’est Benjamin Bohin, fondateur de l’entreprise bien connue, situées à l’Aigle dans le département de l’Orne, qui réussit à la fin du XIXe siècle à doter la France d’une fabrique d’aiguilles égales en qualité à celles que l’on importait jusqu’alors de l’Angleterre et de l’Allemagne. Esprit original et aventureux, Bohin imagine un procédé de simplification des langues, moins ambitieux mais peut-être plus efficace que l’espéranto ou le volapuk, qu’il nomme le « patoiglob ». Il aura heureusement plus de succès avec les aiguilles, le bureau d’études de son usine mettant au point en 1906 une machine entièrement automatique dont 250 exemplaires seront fabriqués et vendus à l’étranger.

Comment fabrique-t-on donc une aiguille ? Un fil d’acier est étiré au diamètre voulu et coupé en morceaux de la longueur de deux aiguilles. Les extrémités sont aiguisées en pointe. Puis l’emplacement des chas est estampé et les trous sont percés. A ce stade les deux moitiés sont séparées et les chas sont ébarbés. Puis les aiguilles sont trempées et enfin polies, vérifiées et empaquetées.

Pendant longtemps le prix des aiguilles était tel que les gens simples s’estimaient heureux de pouvoir en posséder une, que l’on se prêtait parfois. Aujourd’hui les aiguilles sont d’un prix plus abordable, et nous pouvons donc conseiller de les jeter après avoir terminé une tapisserie. Il est certain en effet que malgré sa solidité une aiguille s’use au cours du travail, son poli diminue, surtout si l’on s’aide d’une pince pour la tirer, ce qui est souvent pratique.

Les aiguilles que nous utilisons en tapisserie sont fortes, longues et sans pointe. Le chas est allongé et suffisamment ouvert pour que l’on puisse y insérer la laine. Il vous en faudra un assortiment de diverses grosseurs. Certaines techniques demandent l’emploi d’une dizaine d’aiguilles ou davantage, simultanément. Il faut choisir la bonne taille, l’aiguille devant traverser le canevas sans l’endommager.

(extrait de « la tapisserie au point : un art, une technique », par Véronique de Luna et Jean-L. Taffarelli, éd. Point-Contrepoint, 2002)